Actualités du Wiktionnaire
Wiktionnaire:Actualités est un journal mensuel sur le Wiktionnaire, les dictionnaires et les mots. Il est publié en ligne depuis avril 2015. Son écriture est ouverte à toutes les bonnes volontés. Vous pouvez recevoir un avis lors de la publication des prochains numéros, consulter les anciens numéros et participer au brouillon de la prochaine édition. Vous pouvez lire aussi les Regards sur l’actualité de la Wikimedia. Pour les commentaires, critiques ou suggestions, voir la page de discussion.
+ 12 297 entrées et 73 langues modifiées pour atteindre 4 451 399 entrées et 1 240 langues avec au moins cinq entrées.
+ 1 480 entrées en français pour atteindre 396 970 lemmes et 609 191 définitions.
Les cinq langues qui ont le plus avancé, outre le français, sont le same du Nord (+ 4 969 entrées), le kotava (+ 1 902 entrées), l’allemand (+ 1 002 entrées), le polonais (+ 665 entrées) et le normand (+ 539 entrées).
Une nouvelle langue : le saya (+1).
+ 3 193 citations ou exemples en français pour atteindre 500 318 🎉.
+ 556 médias d’illustrations (images et vidéos) dans les articles du Wiktionnaire, pour atteindre 56 472.
+ 6 604 sections de langue contenant au moins une prononciation audio (dont 2 067 pour le français) pour atteindre 304 277 sections de langue contenant au moins une prononciation audio pour 138 langues (dont 132 419 pour le français).
+ 4 nouveau thésaurus soit un total de 1 098 thésaurus dans 67 langues dont 801 thésaurus en langue française ! Les nouveaux thésaurus sont sur l’échec et l’étonnement par un petit groupe lors d’un atelier à Grenoble, la musique en vietnamien par Cdang et le pain en lorrain par Poslovitch.
Wikiscan et Wikistats donnent chaque mois accès à beaucoup de mesures, dont la liste des pages les plus consultées et des pages modifiées par le plus de personnes.
+ 32 mots créés sur les 46 proposés dans les Mots du jour !
Quelques émissions audio ou vidéo sur la lexicographie, la linguistique et la langue française sorties ou découvertes ce mois-ci.
France Culture a diffusé une émission intitulée « La langue française est-elle compliquée ? » ; la linguiste Anne Abeillé et l’écrivain Étienne Kern étaient invités pour discuter de cette question.
Anne Abeillé a tout d’abord rappelé que la grammaire est la façon dont on combine des mots pour donner un sens à nos paroles, que c’est quelque-chose qu’un enfant a déjà naturellement dans la tête dès l’âge de deux ans quand il fait ses mini-phrases et qu’il a donc appris la grammaire avant d’aller à l’école et de savoir écrire. Si certaines règles de grammaire sont fondamentales, d’autres ne sont que des conventions et leur utilité est donc discutable.
À la question « Est ce que le français est une langue plus difficile qu’une autre ? », Anne Abeillé a répondu en différenciant l’oral et l’écrit. À l’oral, le français n’est pas plus dur qu’une autre langue même s’il possède quelques sons comme le \r\ et le \u\ qui sont rares dans les autres langues. À l’écrit, en revanche, si l’orthographe a été réformée pour évoluer avec la prononciation jusqu’au début du XIXe siècle, cela s’est ensuite arrêté. D’où un passage à l’écrit désormais douloureux, au contraire d’autres langues où les systèmes d’écriture sont plus proches de la prononciation. À ce titre, Anne Abeillé s’est déclarée pour une simplification de l’orthographe, mais pas de la grammaire, en précisant que la réalité de la langue est quand même l’oral car il y a beaucoup de langues qui ne sont que parlées. Elle observe aussi qu’avec internet, les gens osent écrire comme ils parlent, ce qui se traduit par une plus grande liberté orthographique.
Étienne Kern a lui abordé plusieurs aspects très intéressants du dilemme du tutoiement/vouvoiement. Par exemple, pendant des siècles seul le tutoiement était utilisé dans la bible car il n’existait pas de vouvoiement en grec, latin ni hébreu. Puis le « vous » y a été introduit au XVIIe siècle, en parallèle de l’apparition de la bienséance dans la société.Lors de la dernière mise en ligne de nouvelles entrées dans Le Robert Dico en ligne, plusieurs entrées ont été ajoutées, dont iel. Aucun communiqué de presse n’a été diffusé, et c’est par hasard qu’un wiktionnariste, Otourly, voit passer une discussion sur Twitter faisant référence à la page du Robert, et ajoute l’information dans le Wiktionnaire. Lepticed7, s’en aperçoit et relaie sa découverte dans un message sur Twitter qui a été partagé tant et si bien que la presse s’y est intéressée et en a fait ses choux gras. D’abord L’important puis Le Figaro dans un article intitulé « L’idéologie woke à l’assaut du dictionnaire Le Robert. Celui-ci donne la parole à deux lexicographes qui expriment leurs avis sur ce pronom personnel qui vient bousculer le système de la langue.
Le terme est déjà défini dans le Wiktionnaire depuis 2015, avec l’entrée iel qui a donné lieu à de nombreuses discussions sur sa rédaction, amenant à la participation de plus de cent personnes différentes. L’entrée est très consultée, ce qui semble indiquer un intérêt pour la compréhension de ce terme, et c’est bien la mission d’un dictionnaire que d’aider à comprendre les mots que l’on peut rencontrer. La rédaction du Robert a d’ailleurs publié un billet de blog sur l’intégration du pronom iel afin d’expliciter ses travaux de documentations qui ont mené à l’intégrer dans sa nomenclature.
Les prises de position sont cependant nombreuses en France, avec celle notamment du ministère de l’Éducation nationale de France dans un tweet critiquant l’écriture inclusive auquel Élisabeth Moreno, la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances répond avec un autre son de cloche. Dans le même sens, une réaction de Bernard Cerquiglini, qui précise au micro de RTS 1 ainsi que celle du lexicologue Jean Pruvost. De nombreuses réponses ensuite à cette polémique dont un fil d’explication par Laélia Véron, un fil de Monté de Linguisticae, une intervention d’Éliane Viennot et un message de Rudy Loock qui tentent de clarifier la situation. Mathieu Avanzi, connu pour ses travaux sur les variantes régionales du français, fait le point pour France-Info. La linguiste Maria Candea rappelle pour Ouest-France qu’un dictionnaire n’invente jamais un mot. Le journal 20 minutes sollicite plusieurs linguistes et personnes intéressées par le sujet de la non-binarité. Libération invite Arnaud Hoedt et Jérôme Piron dans une tribune Highway to « iel », tandis que RCF ouvre son micro à Patrice de Plunkett qui prédit la disparition de la grammaire. Monté de Linguisticae propose aussi des réponses agacées à des nombreux arguments entendus sur le sujet. Un ouvrage paru récemment questionne plus largement ce sujet du neutre et son autrice répond dans un long entretien pour Diacritik.
Le Wiktionnaire ne s’est pas retrouvé embarqué dans le joyeux autodafé auquel tant de bougons promettent leurs exemplaires du Robert, mais une discussion collective a néanmoins eu lieu sur la pertinence de présenter en page d’accueil ce mot le 17 novembre.
PS : Si vous n’êtes pas proche de la Bretagne, le titre de l’article est un jeu de mot avec le nom d’un département français, l’Ille-et-Vilaine.Connaissez-vous l’île de Saint-Thomas, au sein des îles Vierges des États-Unis ? Non ? Vous pouvez jeter un coup d’œil à une carte avant de poursuivre, si vous voulez. Saint-Thomas est une petite île sur laquelle vivent un millier de personnes qui parlent français. Ou plutôt qui parlent une langue qui est peut-être du français, peut-être pas, dont on ne connait pas de forme écrite et qui est probablement éteinte aujourd’hui.
Pour faire bref, le peuplement de Saint-Thomas a été un peu chaotique, avec plusieurs phases de colonisation successives, dont un groupe de Français, de Normands et de Bretons qui sont venus depuis Saint-Barthélémy (alors dépendance de la Guadeloupe) et qui se considèrent toujours comme des descendants de Français. Leur langue a ensuite évolué avec le temps, prenant des mots à l’anglais, d’autres au créole antillais, aux langues indigènes. Elle a développé aussi des formes propres, en faisant évoluer son vocabulaire avec l’influence de la vie maritime et agricole de cette population.
En 1974-1975, Arnold R. Highfield se rend sur place pour étudier cette langue dans le cadre d’une thèse universitaire qui sera publiée par la suite en 1979. Il rencontre des personnes qui parlent encore cette langue et il peut en étudier la prononciation, la syntaxe et le lexique. Il part d’un a priori un peu surprenant : considérer qu’il ne s’agit pas de français, mais observer la langue telle quelle, et la décrire complétement. On découvre donc dans la première partie une analyse surprenante du français comme s’il s’agissait d’une langue exotique encore non décrite !
Il fait le choix de l’écrire à la manière des créoles locaux et non comme le français, rendant la langue encore plus étrangère. Son dictionnaire de plus de 160 pages mêle du français très standard avec des innovations étonnantes et des variations de prononciation que l’on peut aussi croiser ailleurs dans la francophonie. Il note par exemple la nasalité avec des circonflexes, et le son rendu souvent en français par <qu> est indiqué avec <k>.
Dans une partie de son analyse, il liste les termes qui lui semblent rendre compte des diverses influences. Pour le normand, stila, stela pour celui-là, celle-là, licher pour lécher, aswèr pour ce soir. Pour l’influence créole, moûn pour quelqu’un, une personne, mon (recensé par une base de pronoms), óti ke pour où ?. Pour le français, il note surtout la persistance de mots perçus comme archaïques ailleurs, tel que harde pour les vêtements, une fachri pour le ressentiment, tchulòt pour le pantalon. Mais il y a aussi des innovations internes, propres au génie de la langue française mais pas en usage ailleurs, tel que krimòer (crimeur), une personne qui commet un crime, nẅit de miel pour la nuit de noce ou l’interjection majin pour marquer sa surprise (sur la base du mot imagine).
À la lecture de l’ouvrage, j’ai cependant un peu de mal à être convaincu par son approche et par les analyses proposées, principalement parce que le corpus collecté est assez faible. Robert Chaudenson, qui a étudié le français de Saint-Barthélémy, considère qu’il s’agit bien d’un dialecte de français et non d’une langue différente, dont la communauté est partagée entre les deux îles. Cette analyse manque d’une comparaison au français des autres îles proches, de Louisiane, d’Acadie et du Québec. Il me semble aussi qu’une relecture par un francophone natif affinerait l’analyse proposée. Malheureusement, il est probablement impossible d’aller vérifier aujourd’hui, 45 ans après son séjour, puisqu’il semble rester bien peu de locuteurs.
Si vous avez des connaissances sur des dialectes étonnants du français, ces informations sont précieuses ! N’hésitez pas à les documenter dans le Wiktionnaire !Ces propositions, affichées sur la page d’accueil, ont été proposées par Noé. Merci de leurs contributions aux personnes qui ont créé ces nouvelles entrées : Lyokoï, ArsèneR.D., Pamputt, Bpierreb, Bercours et Mavienvert !
Une semaine entre pierre et vent : désert de sel, dôme salin, pierre à glissade, rocher-champignon, vallée sèche, yardang.