Singulier | Pluriel |
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féminin conjugal \fe.mi.nɛ̃ kɔ̃.ʒy.ɡal\ |
féminins conjugaux \fe.mi.nɛ̃ kɔ̃.ʒy.ɡo\ |
Qui se refuserait à une dépense d’un millier de roubles, quand il s’agit d’empêcher que, dans la ville, il ne soit dit que la capitainesse, la doctoresse, la pharmacienne, la négociante, la popesse avait une plus belle robe ?— (Nicolas Vassiliévitch Gogol, traduit par Ernest Charrière, Les Âmes mortes, tome 1, 1859, page 267)
De même, en parlant de la femme d’un afficheur, d’un couvreur, d’un paveur, d’un tourneur, etc., on dit, l’afficheuse, la couvreuse, la paveuse, la tourneuse, etc., par la même analogie qu’on dit, la charbonnière, la perruquière, la chapelière, etc.— (Léger Noël, La clef de la langue et des sciences, ou Nouvelle grammaire française encyclopédique et morale, Dutertre, Paris, 1845-1861, page 511)
féminin conjugal \fe.mi.nɛ̃ kɔ̃.ʒy.ɡal\ masculin
On le voit ici aussi, Petit Robert et Petit Larousse divergent quant à l’information donnée au lecteur, et plus que ce que le tableau ci-dessus ne le laisse penser. En effet, alors que PR et PL mentionnent amirale et duchesse comme féminin conjugal, le PL les mentionne uniquement dans cet emploi : une femme qui exerce la profession est un amiral, alors que le PR mentionne cet emploi comme vieilli et privilégie, pour la gradée, le féminin une amirale.— (Anne Dister, « De l’ambassadrice à la youtubeuse : ce que disent les dictionnaires de référence sur le féminin des noms d’agents », dans Revue de Sémantique et Pragmatique, no 41-42, 2017, page 41-58 )
L’étude de la féminisation impose de caractériser le type de féminin rencontré dans les ouvrages lexicographiques. Nous en proposons cinq, qui ne s’excluent pas toujours. Le féminin morphologique est une forme morphologiquement marquée du féminin (déterminant seul ou accompagné d’un suffixe sur le nom : une ébéniste, une auditrice). Le féminin sémantique est l’équivalent féminin d’un mot de sens masculin : si un pharmacien exerce la pharmacie, une pharmacienne aussi. Le féminin conjugal (Dister et Moreau, 2009) est un féminin morphologique qui n’est pas sémantique : la pharmacienne n’exerce pas la pharmacie, elle est l’épouse du pharmacien. Le féminin discriminant établit des différences sémantiques, généralement au désavantage des femmes : le boucher tue les animaux et en vend la viande, la bouchère ne fait que vendre la viande. Enfin, le féminin entaché est un féminin morphologique (régulier) et sémantique, mais dont la forme est jugée suspecte par les locuteurs soit à cause de connotations qui y seraient attachées (entraîneuse), soit à cause de son homonymie (cafetière).— (Sophie Piron, « Des premiers dictionnaires à la lexicographie profane numérique : parcours lexicographiques de féminisation », dans Éla. Études de linguistique appliquée, no 194, 2019, page 211-226 )
À cette époque, comme les femmes sont exclues de bien des professions, se met en place le “féminin conjugal”. “L’ambassadrice n’est que l’épouse de l’ambassadeur, la colonelle n’est que l’épouse du colonel. Dans toute la littérature, dans toute la presse, dans tous les dictionnaires du 19e siècle, une étudiante est la petite amie d’un étudiant”, nous apprend Bernard Cerquiglini. “Quand, à la fin du 19ème, les étudiantes ont eu accès non plus seulement aux lits des étudiants, mais aux amphithéâtres, elles se sont emparées du mot et le mot a changé de sens.”— (Anaïs Huet, « “Féminiser la langue, ce n’est pas la tordre, c’est revenir à un usage naturel et ancien” », dans Europe 1, 22 février 2019 )