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Entre les mots hallebarde et miséricorde, il n’y a pas de rime. Claude Gagnière, en son livre Pour tout l’or des mots, explique l’origine de cette expression :
En 1727, mourut le garde suisse de l’église Saint-Eustache, à Paris, qui avait nom Mardoche. Un petit commerçant nommé Bonbel voulut composer une épitaphe en vers en sa mémoire. Étant ignorant de l’art de faire des vers, il s’adressa à un « rimailleur des rues », lequel, par incompétence ou pour se moquer de lui, lui enseigna que « pour faire rimer deux vers entre eux, il fallait que les trois dernières lettres fussent semblables ». Bonbel passa de longues heures avant de produire ce touchant petit quatrain :
Ci-gît mon ami Mardoche Qui fut suisse de Saint-Eustache. Il porta trente ans la hallebarde Dieu lui fasse miséricorde !
Selon Gagnière, « on plaisanta beaucoup le pauvre homme, dont le poème devint non seulement légendaire, mais proverbial ».
Ceux qui, quoique ne sachant écrire ou dire sept lignes en bonne prose hollandaise (comme on appelle cela) sans faire des sottises, se croient des facteurs illustres, quand ils savent rassembler onze ou douze vers qui riment comme hallebarde et miséricorde, quand ils savent les orner par des mots de leur fabrication, des termes inusités et volés qui n'ont ni rime ni raison et qui sont à leur place comme une messe qu'on chanterait à un bal, etc.— (Dr J. Prinsen, « Jean van Hout : L'initiateur de la Hollande aux principes de la Pléiade (1543-1609) », dans la Revue de la Renaissance : organe international des amis du XVIe siècle et de la Pléiade, tomes 7-8, Paris : 1906, p. 129)
Vous ne comprenez pas seulement le sens de vos propres en-tête de chapitres ! En-tête et contenu riment ensemble comme hallebarde et miséricorde.— (Ferdinand Lassalle, Capital et travail ou M. Bastiat-Schulze (De Delitzch), 1re traduction française, Paris : Librairie du Progrès, 1880, p. 89)
C'est le Gouvernement danois qui a servi le rayon de miel après avoir, pendant plus d'un demi-siècle, attiré et flatté la vermine. On pourrait répondre que tout cela rime comme hallebarde et miséricorde ; rien n'est plus juste, mais il paraît qu'il en va de même dans toutes les circonstances, et cela plus ou moins partout.— (Lettre de Metternich à Munch, Prague, le 13 septembre 1846, dans les Mémoires, documents et écrits divers laissés par le prince de Metternich, publiés par son fils le prince Richard de Metternich, classés et réunis par M.A. de Klinkowstroem, 2e partie : L’Ère de paix (1816-1848), tome 7, Paris : chez E. Plon & Cie, 1883, p. 271)
Pour les femmes d'âge et d’esprit rassis, amour et mariage rimaient comme hallebarde et miséricorde. C'était simplement ridicule. Les protestantes qui lisaient la Bible paraissaient tout ignorer du cantique de Salomon.— (Michel Jeury, La vallée de la soie, tome 1, Éditions Robert Laffont, 2011)