faire son chemin \fɛʁ sɔ̃ ʃ(ə)mɛ̃\
Il n’y a rien, en effet, de si peu méticuleux qu’un homme qui, une fois pour toutes, a déclaré qu’il veut faire son chemin. L’ardente et rapide locomotive qui vole d’une montagne à l’autre, qui passe comme la foudre au-dessus des précipices, écrasant tout ce qu’elle rencontre, n’est pas plus impitoyable dans sa course que l’homme qui veut faire son chemin. L’honneur, l’amour, le devoir, la dignité humaine, la piété divine, le culte de la patrie, les liens de l’amitié, les noeuds de l’hymen, et jusqu’aux charmes du vice, tout est renversé, culbuté, foulé, broyé par l’homme qui fait son chemin. Et il y a cela d’admirable dans la société, c’est qu’elle endure patiemment, de cet homme, une série d’actes injustes et souvent avilissants, qui, isolés, auraient suffi pour attirer sur vous ou sur nous l’indignation universelle... Mais que voulez-vous ? celui-là il faut bien qu’il fasse son chemin ! Il a su tellement se le persuader à lui-même, qu’il impose à tout le monde la même conviction. Il peut se vautrer dans la boue si cela lui convient, personne n’en est surpris, personne n’en est révolté ; il sait bien, dit-on, ce qu’il fait : il fait son chemin. Il lui est permis d’insulter à ce qu’il y a de plus beau et de plus noble parmi les hommes, ou parmi les choses de son temps ; il ne fait pas cela par méchanceté, c’est seulement pour faire son chemin. Ce qui chez vous ou chez nous, serait tenu pour une indélicatesse extrême, chez lui n’est qu’une chose toute simple ; l’affront qui vous tuerait n’est qu’un jeu pour lui ; l’échec qui vous ruinerait ne l’inquiète point ; le trait qui vous irait au coeur effleure à peine son épiderme ; il est cuirassé, il est invulnérable, il est parti pour faire son chemin. Il s’est mis en route lui-même, sans que personne l’appelât, sans que personne l’envoyât ; seulement il s’est dit tout bas à lui-même, et il a répété bien haut à tout le monde, qu’il arriverait, et il arrivera. Il arrivera, malgré les préjugés, malgré ses torts, malgré ses ridicules, malgré ses fautes, il arrivera, c’est certain ; les plus envieux en ont pris leur parti, et la seule chose que fassent les plus habiles, c’est de s’arranger de manière à être le moins possible coudoyés ou froissés par lui.— (Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, Charles Guérin, G.H. Cherrier, éditeur, Montréal, 1853, I, 6)
Que cela plaise ou que cela irrite, cela ne me regarde plus. Je sais que les paroles dites font d’elles-mêmes leur chemin.— (Romain Rolland, Au-dessus de la mêlée, Librairie Paul Ollendorff, 1915, introduction)
Elle était mariée à un type riche, un type qui « avait fait son chemin », mais Adamsberg ne se rappelait ni son métier ni son compte en banque.— (Fred Vargas, Quand sort la recluse, Flammarion, 2017, page 12)
Du côté des élus aussi, l’idée a fait son chemin. Les techniciens sont notamment parvenus à les convaincre car les risques financiers étaient limités pour la collectivité, .— (Emmanuelle Picaud, « Le recyclage des enrobés de chaussée a de l’avenir », TechniCités#300, février 2017, document 12 de Concours externe d'Ingénieur territorial, dirigé par Philippe-Jean Quillien, Éditions Ellipses, 2018, page 95)
Dans une ville d’assez petite taille, ce genre de réputation fait rapidement son chemin.— (Emma, « Dans le secteur associatif, les bons sentiments sont la porte ouverte à tous les abus », Le Monde. Mis en ligne le 10 novembre 2019)