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Principe
- Dans les phrases avec inversion du sujet je (surtout interrogatives ou interronégatives), si le verbe se termine naturellement par un e caduc — à la première personne du singulier du présent de l’indicatif, du présent du subjonctif ou de l’imparfait du subjonctif (et plus-que-parfait conjugué avec avoir dans « eussé-je » + participe passé) —, celui-ci est accentué ; l'orthographe reflète alors cette accentuation, le e final se voyant doté d'un accent aigu (orthographe traditionnelle) ou grave (rectifications orthographiques de 1990).
Orthographe traditionnelle
- Le e final devient é.
- Cette règle est optionnelle lorsque le e final est précédé d’une voyelle.
- Verbes du 1er groupe (première personne du singulier du présent de l’indicatif) Dans le cas des verbes du premier groupe, le verbe est égal au participe passé.
Dansé-je aussi bien que lui ?
Mené-je ? Espéré-je ? Appelé-je ? Employé-je ? Jeté-je ?
Depuis quand aimé-je tant la discrète présence de Marie ?
Ne vous embarrassé-je pas plus encore que je ne vous surprends ?
— (Crébillon fils, La Nuit et le Moment, 1755, page 2)
- Verbes du 3e groupe (première personne du singulier du présent du subjonctif ou de l’imparfait du subjonctif)
Puissé-je vous donner l’exemple de souffrir,
Comme vous me donnez celui de vous offrir !
— (Corneille, Polyeucte, acte II, scène VI, édition Masson, 1887)
Mais j’espère que la guerre civile va nous tuer beaucoup de monde. Puissé-je être compris dans le nombre !
— (Gustave Flaubert, Correspondance, volume 6, édition Conard, 1930)
Coûtât-il tout le sang qu’Hélène a fait répandre,
Dussé-je après dix ans voir mon palais en cendre,
Je ne balance point, je vole à son secours.
— (Jean Racine, Andromaque, acte I, scène IV, édition Didot, 1854)
- Verbes être et avoir, employés ou non en tant qu’auxiliaires (première personne du singulier de l’imparfait du subjonctif)
Je ne renierai point mes principes, fussé-je le seul à les défendre.
Pourquoi eussé-je cru qu’Albertine n’aimait pas les femmes ?
— (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, tome 13, chapitre I, Gallimard, 1927)
- Une forme postposée spécifique existe aussi pour les verbes conjugués à la troisième personne du singulier (dans plusieurs temps et plusieurs modes) terminés par un e muet (sans accent mais suivi alors par t-il, t-elle ou t-on).
Orthographe de 1990
- Le e final devient è.
- Cette règle est optionnelle lorsque le e final est précédé d’une voyelle.
- Verbes du 1er groupe (première personne du singulier du présent de l’indicatif) Dans le cas des verbes du premier groupe, le verbe est égal au participe passé dont le é final devient è.
Dansè-je aussi bien que lui ?
Menè-je ? Espérè-je ? Appelè-je ? Employè-je ? Jetè-je ?
Depuis quand aimè-je tant la discrète présence de Marie ?
- Verbes du 3e groupe (première personne du singulier du présent du subjonctif ou de l’imparfait du subjonctif)
Puissè-je n’avoir jamais entendu pareille sottise !
Dussè-je en pâtir, je ne me déjugerai pas.
- Verbes être et avoir, employés ou non en tant qu’auxiliaires (première personne du singulier de l’imparfait du subjonctif)
Je ne renierai point mes principes, fussè-je le seul à les défendre.
Pourquoi eussè-je cru cette difficulté insurmontable ?
Anciennement
- Entre le XVe et le XVIIIe siècles (en moyen français), on a également utilisé des formes en -ai ou -ay au lieu de -é, et parfois jusqu’au XXe siècle par archaïsme.
- espérai-je, puissai-je, dussai-je, dussay-je
- Avant le XVe siècle, cette terminaison était en -oy dans les langues d’oïl (dont le vieux français, ainsi que le vieux picard, le picard actuel ayant conservé la trace de cette ancienne prononciation), à une époque où on n’écrivait pas encore les accents pour différencier les sons effectivement prononcés.
- esperoy-je (vieux français, ou françoys) → esperay-je (français moyen archaïque ou françois) → espéray-je (français moyen ou françays) →espérai-je (français moyen vers 1450 ou français) → espéré-je \ɛs.pe.ʁeʒ\ (français moderne vers 1750, orthographe normalisée par l’Académie française) puis souvent\ɛs.pe.ʁɛʒ\ avec la même orthographe (vers 1970) → espérè-je \ɛs.pe.ʁɛʒ\ (orthographe rectifiée de 1990). Les dates de transition varient suivant les régions, et les accents régionaux d’origine des auteurs ou leur âge d’apprentissage de la grammaire française dans l’enseignement officiel en France.
Références
- Maurice Grevisse, André Goosse, Le Bon Usage, Duculot, 1993, ISBN 2801114049
- François Joseph Michel Noël, Charles Pierre Chapsal, et (Gabriel ?) Taillefer, Nouvelle Grammaire française, 1836
- Auguste Thibaudin, Le Dictionnaire des verbes entièrement conjugués, 1869