Singulier | Pluriel |
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ensauvagement | ensauvagements |
\ɑ̃.so.vaʒ.mɑ̃\ |
ensauvagement \ɑ̃.so.vaʒ.mɑ̃\ masculin
Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que chaque fois qu’il y a au Viêt-nam une tête coupée, et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une égression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et « interrogés », de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.— (Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1950, p. 12)
Marine Le Pen a consacré un long passage au thème de l’insécurité en appuyant sa démonstration sur de récents faits divers afin de dénoncer “l’ensauvagement progressif de la société”, dont l’immigration serait selon elle en grande partie responsable.— (Nabil Touati, Marine Le Pen agite encore la peur de "l'ensauvagement"...en vue des municipales?, Huffingtonpost, 2019 → lire en ligne)
Ils me font sourire, ceux qui font mine de découvrir aujourd’hui l’ensauvagement de notre société. Sont-ils inconscients ? Aveugles ? Mal informés ? Le sort récent de Jérôme Bonduelle, fauché sur son vélo à Lille ou celui du jeune policier renversé et traîné sur la chaussée au Mans lors d’un contrôle routier devraient les ramener à la réalité. Il est là l’ensauvagement, parmi nous, sur nos routes, depuis des années.— (Sécurité routière : « L’ensauvagement, je le vois sur la route depuis des années », Ouest-France, Jehanne Collard, 2020)
Il paraît toutefois assez invraisemblable qu’il y ait eu, en un laps de temps aussi court, quatre cas d’ensauvagement dans la même région, sans que l’on puisse en retrouver plus de traces.— (Franck Tinland, L’Homme sauvage : Homo ferus et Homo sylvestris, page 66, 2003)
L’essaimage ou le risque d’ensauvagement— (Élisabeth Motte-Florac, Jacqueline M. C. Thomas, Les "insectes" dans la tradition orale, page 527, Peeters, Selaf, 2003)
Nous avons vu que ce moment essentiel du cycle apicole où l’essaim "prend la fuite" porte en lui la menace d’une perte de l’unité familiale.
Dès le XIIe siècle, le terme « sauvage » est utilisé pour cibler les étrangers, assimilés à des peuples sous-civilisés. En 1950, Aimé Césaire retourne l’accusation de sauvagerie vers les colons dont il condamne les exactions dans son Discours sur le colonialisme. Au début des années 2000, l’historien américano-allemand George Mosse forge la notion de « brutalisation » ou d’ « ensauvagement » pour décrire comment la « culture de guerre » née dans les tranchées de la première guerre mondiale aurait eu pour conséquence la banalisation de la violence et la glorification de la virilité. En France, l’usage du mot devient politique lorsque Jean-Pierre Chevènement qualifie en 1999 les mineurs récidivistes de « sauvageons ». Le terme « ensauvagement » s’impose ensuite, associé au champ lexical de la délinquance, d’abord sous la plume du penseur identitaire Laurent Obertone, puis à partir de 2013 dans la rhétorique de l’extrême droite (dans la bouche de Marine Le Pen), et en 2020 dans le discours de la droite républicaine (avec par exemple la polémique créée par Gérald Darmanin)[1].