Les formes verbales en arabe sont des variations régulières faites suivant différents schèmes, qui dénotent divers modes par rapport à la forme de base : réfléchi, intensif, fréquentatif,...
Grâce à la souplesse de sa dérivation, avec ses trois consonnes radicales extensibles, l'arabe a créé des formes dérivées du verbe par modification des voyelles, par redoublement de la deuxième radicale, par adjonction et même par intercalation d'affixes, Ce système, très précis et très délicat, concourt à donner à l'arabe la richesse de ses verbes, celle aussi des noms abstraits qui en sont formés, les masdar.
Les verbes de formes dérivées se conjuguent avec les mêmes préfixes et suffixes que le verbe nu. Ils ont les mêmes aspects, les mêmes modes. Les voyelles des préfixes et celles de la seconde consonne radicale sont seules différentes, et caractéristiques de l'accompli et de l'inaccompli de chaque forme.
L'application de différents schèmes de formes verbales à une racine lexicale crée des verbes réels, dont les significations peuvent souvent être analysées ou déduites par la sémantique compositionnelle : le sens lexical de la racine consonantique et le sens grammatical du modèle particulier se combinent, pour donner le sens du mot réel. Cette analyse en deux composants conduit souvent à une signification intuitivement très claire, mais la signification réelle peut n'être pas aussi directe, notamment en raison de son évolution dans le temps.
Le plus souvent, il s'agit de sens dérivés, directement ou pas, de formes verbales en référence à la « première forme », qui est la forme sans altération (mais est très irrégulière). Cependant, dans de nombreux cas, la filiation étymologique doit se rattacher à des formes nominales ou qualificatives, dont la « première forme » n'est pas nécessairement l'origine, mais peut être elle-même une forme dérivée. De plus, la première forme sert souvent de forme « fourre-tout » reprenant le sens d'une forme dérivée, ou associée à n'importe quel sens dérivé de la racine.
Ces différentes formes s'analysent plus comme des familles de mots (en l'occurrence, des familles de verbes) que comme des conjugaisons au sens propre. En particulier, ces différentes formes sont loin d'être usitées au même degré. Celles que l'on retrouve le plus souvent sont les 2e, 4e, 5e, 8e et 10e. Mais aucun verbe arabe ne peut les comporter toutes.
Les linguistes occidentaux désignent ces formes par des numéros, et identifient les formes 1, 2,... jusqu'à parfois 13 ou 15, voire parfois beaucoup plus. L'identification des formes ne faisant pas l'objet d'un consensus au-delà de 15, la numérotation de ces formes n'est pas réellement définie.
Les linguistes arabes désignent conventionnellement ces formes par la transformation qu'elles font prendre au verbe فَعَلَ (fa3ala) (« faire »), la forme étant donnée pour l'accompli de la troisième personne masculin singulier (sans préfixe et se terminant par a), forme à partir de laquelle se déduit le reste de la conjugaison.
Pour une meilleure lisibilité des formes verbales par rapport à la racine, celles-ci seront ici désignées par la transformation apportée au radical (hypothétique) زَرَزَ (zaraza), ou زَرْزَرَ (zarzara) pour les formes quadrilittères (pour l'anecdote, زرزر (zrzr) est un radical se rapportant à l'étourneau).
La première forme verbale est beaucoup plus irrégulière que les autres : la voyelle de la seconde radicale n'est pas uniforme, les infixes de l'accompli et de l'inaccompli sont différents, et le nom verbal est généralement très irrégulier.
Le sens est de faire l’action considérée, ou d'être dans l'état considéré.
Le premier groupe de formes dérivées allonge la première syllabe. Le sens est celui d'une intensité particulière (sur l'action elle-même, sur l'agent, ou sur l'objet).
Dans ce premier groupe dérivé, l’inaccompli a deux spécificités : il est construit en préfixant le schème de l’accompli par يُـ (yu-), et la deuxième voyelle du schème se transforme de « a » en « i » (e.g. : يُكْتِبَ (yuktiba) pour la forme iv).
La forme (ii) allonge la première syllabe par le redoublement de la seconde consonne : زَرَّزَ -*a*²a*a-.
Le sens premier est intensitif (violence, répétition, ...), l'intensité étant dirigée sur l'action elle-même.
La forme (iii) allonge la première syllabe par une voyelle longue : زَارَزَ -*â*a*a-.
Le sens est d’une action faite dans l'effort, en même temps qu’un autre acteur avec lequel on participe à un process commun. L'intensité porte sur le sujet.
La forme (iv) utilise la première radicale pour fermer la première syllabe. Elle porte alors un sukûn ْ, et la structure syllabique de l’arabe impose alors quand c’est nécessaire la présence d’une hamza instable, dans ce cas portée par un « a » : أَزْرَزَ -a**a*a-
Dans la forme (iv), l'intervention du sujet conduit l'objet à réaliser une certaine action. Le sens est factitif (imposer à l'objet une action ou une qualité), ou dénominatif (ça va vers un objet, aller vers une direction). L'intensité porte sur l'objet que l'on oblige à se mobiliser.
Par rapport à la forme dont elles dérivent, lorsqu'on les traduit, ces formes correspondent le plus souvent à un passif : « se laisser... » ou à une forme réfléchie : « se faire... ». Si la forme (ii) exprime une action sur un objet tiers, la forme (v) exprime l’état dans lequel cet objet (à présent sujet) se retrouve après une telle action, que cette action soit de son fait (réfléchi) ou du fait d'un autre (passif). D'où la formulation classique de « sens réfléchi-passif ».
Par exemple, عَلَمَ (3alama) (savoir) donne le factitif de la forme (ii) عَلَّمَ (3al²ama) (il a fait que X a su, il a enseigné à X), et en dérive la forme (v) تَعَلَّمَ (ta3al²ama) (il a appris, il est éduqué). La forme (v) est la forme effective de la forme (ii) : l‘effet, sur l'élève, est qu'il est en fin de compte éduqué.
Mais ce n’est pas parce que l’éducateur fait son œuvre que l’élève est nécessairement éduqué (sens passif), et ce n'est pas parce que l'élève s'éduque (sens réfléchi) que c'est nécessairement le fait de l'éducateur de la forme (ii).
La forme par elle-même ne fait pas de différence entre le réfléchi et le passif (le contexte permet éventuellement de déterminer quel est le cas). D'où la dénomination plus moderne de « forme effective ». Alors que dans le « passif », la personne subit l’effet de l’action d’une autre, et que dans le « réfléchi » la personne subit l'effet de sa propre action, l’« effectif » signifie qu'un processus est effectuée sur cette personne, la personne subit l’effet de ce processus, indépendamment de ce qu’il soit réalisé par lui-même ou par un autre. Plutôt qu'une traduction prenant une option en « se laisser... » ou « se faire... », la forme « effective » sera plus fidèlement traduite dans sa neutralité par un « se retrouver... » - ce qui ne veut pas dire que ce soit la meilleure traduction, bien entendu, chaque cas est spécifique.
La forme (vii), de schème إِنْزَرَزَ (inzaraza), et la forme (viii), de schème إِزْتَرَزَ (iztaraza), expriment le réfléchi-passif de la forme (i).
Le تَـ (ta-) préfixe conserve dans la forme (vii) une forme archaïque en n, préfixée par une hamza instable en position initiale.
La forme (viii), de son côté, résulte de l'inversion du préfixe تَـ (ta-) et de la première radicale.
Comme discuté plus loin, ces deux formes peuvent être vue comme relevant d'une forme quadrilitère en , pour laquelle les trois radicales de base sont complétées par un n inséré en première radicale (forme vii) ou un t inséré comme deuxième radicale (forme viii).
La forme (v) dérive de la forme (ii), dont elle exprime la conséquence.
La forme (vi) dérive de la (iii), dont elle exprime la conséquence.
La forme (x), de schème إِسْتَزْرَزَ (istazraza), exprime le réfléchi-passif de la forme (iv), أَزْرَزَ. Le تَـ (ta-) préfixe conserve ici une forme archaïque en sta.
Toutes les formes suivantes se fondent sur des schèmes quadrilitères.
Les différentes formes se distinguent suivant la manière dont on passe de trois à quatre radicales pour s'adapter à une forme quadrilitère : insertion d'une lettre servile en complément des lettres radicales, ou duplication de l'une ou l'autre des radicales. Par ailleurs, elles peuvent se regrouper suivant l'infixe quadrilitère auquel elles ont été adaptées.
La forme (vii) créé une quatrième radicale en insérant un "n" devant la première radicale, et est de schème إِنْزَرَزَ -n*a*a*a-.
Cette forme importante exprime l’état ou la condition résultant de l’action (i), dont elle est un passif-réfléchi (« se retrouver... »). La forme (vii) correspond parfois à l’idée que le sujet laisse faire une action sur lui (« se laisse »).
La forme (viii) créé une quatrième radicale en insérant un "t" entre la première et la deuxième radicale et est de schème إِزْتَرَزَ -*ta*a*a-.
Par rapport à la forme (vii), la forme (viii) traduit en plus l’idée que l’objet est affecté par l’action.
La forme (viii) est assez irrégulière, dans la mesure où le "t" inséré peut s'assimiler phonétiquement avec la première ou la seconde radicale, transformant l'insertion ou l'une ou l'autre des radicales.
La forme (ix) a pour base un adjectif de difformité ou de couleur, et exprime le fait d'être ou de devenir quelque chose (se faire), d'où l'impossibilité de l'utiliser au passif (puisque le sens est déjà par lui-même passif). La dernière radicale étant dupliquée, cette forme suit les irrégularités de conjugaison des verbes sourds.
Formellement, la forme (xi) s'apparente à la (ix) par allongement de la voyelle sur la seconde consonne. Elle est formée par le redoublement de la troisième lettre de la racine, l'ajout du alif après la seconde lettre de la racine, et l’ajout de la hamza instable avant la première. Les deux dernières radicales étant identiques, la forme (xi) suit (comme la ix) la conjugaison des verbes sourds. Elle est de forme إِزْرَازَّ -**â*²a-.
Par rapport à un schème en , le alif long vient de ce que le waw du schème est faible, et sert ici de lettre de prolongation au fatha précédent.
Par rapport à la forme (ix), la forme (xi) avec l’allongement du « A » implique généralement une idée de réciprocité, et ici de comparaison par rapport à d’autres références semblables : elle peut indiquer une intensité supérieure à celle de la (ix) ; ou une qualité transitoire ou mutable.
La forme (xii) redouble la deuxième radicale et y insère un w, elle est de forme إِزْرَوْرَزَ -*2aw2a*a-. C’est une forme intensive de la forme (i).
La forme est une alternative à la forme (xi) précédente. Par rapport à un schème en , le waw du schème est ici fort, et conduit à une diphtongue par rapport au fatha précédent.
La forme (xiii) est formée par l'ajout d'un double waw après la seconde lettre de la racine. Elle est de forme إِزْرَوَّزَ -**aw²a*a-. C’est une forme intensive de la forme (i).
Par rapport à un schème en , le waw du schème est ici redoublé, et conduit à la fois à une diphtongue par rapport au fatha précédent, et à une consonne ouvrant la syllabe suivante.
Les racines quadrilitères peuvent correspondre aux origines suivantes :
Les verbes quadrilitères prennent une forme de base et trois formes dérivées.
La forme (1q), زَرْزَرَ -*a**a*a-, correspond en formation et conjugaison à la forme (ii) زَرَّزَ (zar²aza) des trilitères. On peut considérer que la forme (ii) est l'adaptation à cette forme de base d'une racine trilitère, par duplication de la seconde radicale. Elle est à la fois transitive et intransitive.
La forme (2q), تَزَرْزَرَ -ta*a**a*a-, passif-réfléchi de la précédente, correspond en formation et conjugaison à la forme (v) تَزَرَّزَ (tazar²aza) des trilitères.
La forme (3q), إِزْرَنْزَرَ -**an*a*a-, se forme et se conjugue comme la forme trilitère (vii) إِنْزَرَزَ (inzaraza), à laquelle elle est comparable (« se faire... », « se laisser... »), la différence étant que le ن (n) n'est pas préfixé, mais inséré entre la deuxième et la troisième radicale.
La forme (4q), إِزْرَزَرَّ -**a*a*²a-, est construite comme la forme trilitère (ix), إِزْرَزَزَ (izrazaza), en dupliquant la dernière radicale. Elle est intransitive et exprime un haut degré (intensif ou extensif) d'une action, un état ou une qualité intransitive : شَمْخَرَ (camXara) être fier, إِشْمَخَرَّ (icmaXar²a) être extrêmement fier.
L'infixe se terminant par une quatrième radicale redoublée, cette forme se conjugue comme les verbes sourds : devant une voyelle la quatrième radicale est simplement redoublée ; sinon la quatrième radicale est dédoublées et la voyelle de la troisième radical se place entre les deux.
Accompli | Inaccompli | Nom d'action | Une fois / Instance de | Participe actif (agent) | Agent (féminin) | Participe passif (patient) | Patient (féminin) | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1q | زَرْزَرَ (zarzara) | يُزَرْزِرُ (yuzarziru) | زَرْزَرَةٌ (zarzar@ũ) زِرْزَارٌ (zirzârũ) |
زِرْزَارَةٌ (zirzâr@ũ) | مُزَرْزِرٌ (muzarzirũ) | مُزَرْزِرَةٌ (muzarzir@ũ) | مُزَرْزَرٌ (muzarzarũ) | مُزَرْزَرَةٌ (muzarzar@ũ) |
2q | تَزَرْزَرَ (tazarzara) | يَتَزَرْزَرُ (yatazarzaru) | تَزَرْزُرٌ (tazarzurũ) | تَزَرْزُرَةٌ (tazarzur@ũ) | مُتَزَرْزِرٌ (mutazarzirũ) | مُتَزَرْزِرَةٌ (mutazarzir@ũ) | مُتَزَرْزَرٌ (mutazarzarũ) | مُتَزَرْزَرَةٌ (mutazarzar@ũ) |
3q | إِزْرَنْزَرَ (izranzara) | يَزْرَنْزِرُ (yazranziru) | إِزْرَنْزَارٌ (izranzârũ) | إِزْرَنْزَارَةٌ (izranzâr@ũ) | مُزْرَنْزِرٌ (muzranzirũ) | مُزْرَنْزِرَةٌ (muzranzir@ũ) | مُزْرَنْزَرَةٌ (muzranzar@ũ) | مُزْرَنْزَرَةٌ (muzranzar@ũ) |
4q | إِزْرَزَرَّ (izrazar²a) | يَزْرَزِرُّ (yazrazir²u) | إِزْرِزْرَارٌ (izrizrârũ) | إِزْرِزْرَارَةٌ (izrizrâr@ũ) | مُزْرَزِرٌّ (muzrazir²ũ) | مُزْرَزِرَّةٌ (muzrazir²@ũ) | مُزْرَزَرٌّ (muzrazar²ũ) | مُزْرَزَرَّةٌ (muzrazar²@ũ) |
Aucun verbe ne présente tous ces verbes dérivés, la plupart de ces formes constituent une construction théorique.
Les infixes des quadrilatères proprement dits sont de forme (1q) زَرْزَرَ -*a**a*a-, (2q) تَزَرْزَرَ -ta*a**a*a-, (3q) إِزْرَنْزَرَ -**an*a*a- et (4q) إِزْرَزَرَّ -**a*a*²a-. De même que précédemment, ces formes peuvent servir à produire des formes dérivées de radicaux trilitères, par insertion d'une lettre servile en complément des lettres radicales, ou duplication de l'une ou l'autre des radicales.
Les Arabes nomment les verbes de ces formes annexés au verbe quadrilitères, parce qu'elles peuvent être considérées comme dérivées de formes quadrilittaires. Quelques grammairiens comptent jusqu'à trente-cinq formes de verbes. Ces formes sont extrêmement restreintes. Des formes ultérieures ont été identifiées, mais ne se rencontrent pratiquement jamais.
Ces formes peuvent être considérées comme dérivées de la forme (iq) زَرْزَرَ -*a**a*a-
Les formes dérivées de la forme (iq) peuvent en outre être préfixées par un "ta", ce qui en fait des dérivées de la forme (iiq) تَزَرْزَرَ -ta*a**a*a-.
Ces formes peuvent être considérées comme dérivées de la forme (iiiq) إِزْرَنْزَرَ -**an*a*a-
Ces formes peuvent être considérées comme dérivées de la forme (ivq) زَرْزَرَّ -*a**a*²a-
La conjugaison d'un verbe arabe ajoute à un infixe fixe (aux variations près de la longueur de sa dernière syllabe) des préformantes et des adformantes. (Glaire §220) Dans toutes les formes dérivées du verbe trilitère, ainsi que dans la Forme primitive du verbe quadrilitère, les préformantes et les adformantes sont les mêmes que dans la forme primitive du verbe trilitère. Il n'y a donc à considérer dans toutes ces formes que l'infixe, c'est-à-dire les voyelles des lettres radicales, celles des caractéristiques de chaque forme et des préformantes du futur.
Aucun verbe ne présente tous ces verbes dérivés, la plupart de ces formes constituent une construction théorique.
En dehors de la forme (i), les formes verbales se déduisent souvent les unes des autres, les premières formes étant les plus irrégulières :
Numérotation de Dictionnaire du verbe arabe (المعجم المفصل في تصريف الأفعال العربية)
(1) {{ar-*a*a*a-u}}
(2) {{ar-*a*a*a-i}}
(3) {{ar-*a*a*a-a}}
(4) {{ar-*a*u*a}}
(5) {{ar-*a*i*a-a}}
(6) {{ar-*a*i*a-i}}
(7) {{ar-a**a*a}}
(8) {{ar-*a*²a*a}}
(9) {{ar-*â*a*a}}
(10) {{ar-n*a*a*a}}
(11) {{ar-*ta*a*a}}
(12) {{ar-**a*²a}}
(13) {{ar-ta*a*²a*a}}
(14) {{ar-ta*â*a*a}}
(15) {{ar-sta**a*a}}
(16) {{ar-*2aw2a*a}}
(17) {{ar-**aw²a*a}}
(18) {{ar-**â*a}}